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Winnie s’éveilla doucement après une nuit agitée, tourmentée par quelques mauvais rêves. Il était dimanche matin et il faisait froid comme bien des jours en Russie. La demoiselle n’était toujours pas sortie de son lit et pourtant elle pouvait déjà sentir le froid. Elle regarda rapidement autour d’elle et remarqua que toutes ses « colocataires » dormaient encore. Elle se décida alors à se lever. Elle attrapa une paire de collant, une robe noire et sa veste obligatoire. Elle n’avait pas vraiment à la porter le week-end mais elle en avait pris l’habitude. Après quoi, elle fonça dans la salle de bain. L’eau chaude lui fit un bien fou. Tous ses soucis de la nuit s’envolaient peu à peu. Elle sortit en quelque sorte purifiée, beaucoup mieux que la messe si vous voulez son avis. Elle s’habilla ensuite et sortit de son dortoir en attrapant ses chaussures. Elle les mit une fois sortie car portant des chaussures faisant du bruit, elle souhaitait respecter le sommeil de ses camarades. Elle était bien sûr une personne exemplaire, ça ne faisait aucun doute. Le problème c’est qu’elle n’aimait pas être ici. Ce n’était pas non plus tout noir, elle aimait certaines choses de cette école mais la plupart du temps, elle ne souhaitait qu’une chose : partir. Elle le sentait. Elle savait que sa place n’était pas ici bien qu’elle ait ce pouvoir qu’elle a tellement du mal à contrôler. Seulement il y a des choses beaucoup importantes dans la vie comme un père en prison. Elle nageait dans le dramatique. Toute façon sa vie n’était que drame, elle pourrait très bien être adaptée au cinéma, ça s’appellerait genre »Les malheurs de Winnie ». Le titre est en quelque sorte déjà pris ? Tant pis, ça sera alors autre chose.

Winnie avait décidé de sauter le petit déjeuner aujourd’hui, elle n’avait pas faim. Cela arrivait de plus en plus, elle devenait vraiment dépressive et bientôt elle serait semblable à une épave. Ou était donc sa légendaire persévérance ? Occupée à autre chose, concentrée sur les textes de lois. La condamnation de son père ne lui avait permis un avantage : elle était incollable en lois. Le code civil et autre chose étaient devenus ses passe-temps. Elle cherchait désespérément un moyen de faire sortir son père de prison. Philippe et son père essayaient qu’elle pense entre chose, en lui répétant qu’elle n’avait pas à s’occuper de cela comme si elle changerait d’avis. La vérité, elle était sans doute cruelle mais Winnie refusait de perdre son père. Dans l’histoire, elle avait déjà perdu sa mère et même si elle avait vingt ans, qu’elle était capable de se débrouiller toute seule… Un enfant a toujours besoin de ses parents. Elle avait besoin de se raccrocher à son père, il était sa base. Il fallait qu’elle pense à autre chose, elle sentait sa tension augmentait et ça ne serait pas bon pour elle d’abîmer encore une parcelle de cette école. En général, elle essayait de contrôler ses émotions pour pas que son pouvoir fasse des siennes mais il y avait des émotions qui ne pouvaient tout simplement pas être refoulées. Elle n’était pas parfaite même si la demoiselle avait l’impression qu’autour d’elle, les gens pensaient cela d’elle. Vous imaginez la pression sur les épaules ? Peut-être, peut-être pas. De toute façon ça ne doit pas vous intéressez plus que cela. Et dire que maintenant elle pensait à cela. Elle avait définitivement besoin de se changer d’air. Il fallait qu’elle trouve Wolfgang enfin Ezekiel. A cette heure-ci, il devait être dans le grenier, du moins elle l’espérait sinon elle le chercherait partout. Voyez, sa persévérance revenait et comme dit le proverbe « Chassez le naturel la persévérance, il elle revient au galop. »

Comme son nom l’indiquait, le grenier était tout en haut et ce n’était pas forcément le lieu préféré des étudiants de Magiya car on soupçonnait la présence de fameux petits rongeurs : les rats. Le peu de fois où elle était venue dans ses lieux, Winnie n’en n’avait pas vu, peut-être avaient-ils eu trop peur de sortir ou alors peut-être que tout ça n’était qu’une petite légende pour effrayer les âmes sensibles, qui sait ? Tout de fois était-il qu’il n’y avait pas beaucoup de lumière dans ses lieux et ça ne rassurait jamais beaucoup ce genre de choses. Winnie n’avait pas peur du noir mais elle aimait les espaces lumineux, après tout l’électricité était très lumineux, tout ça avait peut-être un rapport… Elle venait d’arriver devant le grenier, elle ouvrit la porte et il était là comme elle s’y était attendu. Assis, il lui faisait dos. Apparemment il n’avait pas senti sa présence ce qui semblait plutôt impossible vu son pouvoir mais peut-être était-il en train de penser à quelque chose. Bref Winnie avança lentement et dit d’une voix assez claire : « Salut. ». Un mot, deux petites syllabes, cinq lettres et pourtant qui avait pas mal de sens. Dans ce cas-ci, il servait juste à dire bonjour, à signaler sa présence. Bref c’était comme une introduction, une entrée en matière, un mot comme ça. Winnie s’avança davantage et rajouta sur un ton toujours pareil, neutre : « Je ne te dérange pas j’espère ». La demoiselle était polie, bien élevée enfin toutes ses choses-là qui l’amenaient à dire cela. Le pourquoi du comment en quelque sorte. Des fois toutes ses bonnes manières lui portaient préjudice dans le sens où beaucoup la considérait comme une gamine or elle n’était plus une enfant. Sa taille non plus ne l’aidait pas puisqu’elle était assez petite. C’était pourquoi on la qualifiait souvent de mignonne et voyez-vous elle détestait ce terme là, mignonne. Elle le trouvait assez dégradant bien qu’il parte généralement d’un bon sentiment. Elle le trouvait insupportable c’était ainsi mais voilà qu’elle divaguait encore. Winnie était assez observatrice et il est vrai qu’elle se cassait la tête sur certaines choses qui n’en valaient pas vraiment la peine. On a tous nos petites lubies, nos petits tics, nos petits trucs qui font ce que nous sommes.

La solitude est un sentiment ressenti par tellement de gens, qu’il serait égoïste de le ressentir tout seul.

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Cinq heures du matin, Ezekiel se réveilla en sursaut par ce qu’il pensait être un cri. Il crut d’abord que cela venait d’un de ses camarades de chambre, mais non. Personne d’autre que lui n’était réveillé. Il se rendit d’ailleurs compte que la peur qu’il avait ressenti était toujours présente, elle ne venait juste pas de lui. Agacé d’avoir était réveillé par les émotions de quelqu’un d’autre ressentie lors d’un rêve, il serra les poings, se concentrant pour savoir d’où venait cette peur. Trois mètres, ce stupide Vladimir qui se retournait sans cesse dans son lit. Il soupira et sachant très bien qu’il serait à présent incapable de se rendormir, se leva. Silencieux, il attrapa un chemise noire, un pantalon et alla s’enfermer dans la salle de bain. Ça n’allait pas tardé. Lorsqu’il se réveillait à cause de son pouvoir, le brun savait que ses maux de tête ne tarderaient pas à l’assaillir, n’ayant pas réussi à stopper l’empathie durant la nuit. Et en effet, cela ne tarda pas, à peine avait-il déposé ses affaires que la douleur l’assaillit au point qu’il s’accrocha au lavabo de toutes ses forces. 1, 2, 3. 1,2,3. Il conta silencieusement dans sa tête jusqu’à ce que cela devienne supportable. Puis il se glissa sous une douche glacée, les yeux clos, faisant le vide dans sa tête. Ne plus penser à rien, un exploit pour le russe. S’entourant d’un mur, construisant encore et encore des barrières mentales tel un architecte, il sortit de l’eau gelé mais un minimum apaisé. Il s’habilla et en sortant, attrapa sa veste avec le blason, ne se dérangeant pas pour faire le plus de bruit possible lorsqu'il passa à côté de Vladimir. Un sourire sadique aux lèvres, il fit démarrer le réveil bruyant du crétin qui l’avait réveillé et sortit du dortoir. Des insultes et autres cris outragés des garçons ne pouvant supporter un réveil aussi matinal, lui parvinrent aux oreilles et soudain, la journée lui parut un peu moins ennuyeuse. Il se doutait que cela pourrait lui retomber dessus mais il ne s’en faisait pas. Même, il n’en avait absolument rien à faire.
Il fut le premier à entrer dans la salle pour prendre son petit déjeuner et par conséquent le premier à ressortir. Les couloirs glacés par la froideur de Russie ne le gênaient pas plus que ça. Ezekiel n’avait jamais été frileux, il aurait pu être en t-shirt qu’il n’aurait pas eu froid. Il était tôt, trop tôt en ce dimanche matin, le brun aurait largement préféré dormir pour ne pas avoir à supporter une énième longue journée. Il ne rechercha pas la compagnie des rares réveillés, préférant se perdre dans le Manoir, loin des autres êtres humaines, loin des émotions qui influenceraient son humeur par la même occasion. Aussi il monta au plus haut, là où il avait l’habitude de se réfugier lorsqu’il souhaitait fuir les autres, c’est-à-dire au grenier. Cet endroit plein de poussière, regorgeant de centaines d’objets lui avait toujours plus. Il le fuyait quand des couples d’amoureux venaient s’y réfugier mais y passer le reste de son temps libre. En effet, il avait trouvé des années auparavant un vieux piano qu’il avait dû réaccordé. Ce véritable instrument lui changeait de son clavier qu’il emportait chaque année à Magya. Son oreille absolue préférait largement le véritable son des cordes et ses maux de tête s’évaporaient bien plus rapidement grâce à cela. Aussi après avoir traîné dans les couloirs glacés, il y était venu, se souciant peu des rongeurs. Il se contentait de les repérer, leurs émotions étant tellement diffuses qu’elles ne le gênaient pas. Si un d’eux se montrait trop agressif, il s’arrangeait pour augmenter sa peur.
Ezekiel ne se mit pas tout de suite à l’instrument, se contentant de regarder par la fenêtre et d’observer le paysage hivernal qui s’étendait sous ses yeux. Il passa une main dans ses cheveux bruns et alla s’assoir au milieu de la pièce, perdu dans ses pensées. Dans son esprit tourmenté, il n’avait laissé qu’un infime passage entre les émotions des autres et les siennes, de façon à repérer quiconque s’approchant de lui tout en ne souffrant pas de grandes pertes d’énergie. C’est ainsi que son esprit l’alerta de l’approche de la tristesse mais il ne se retourna pas. Laissant la personne venir, au bout de six ans il avait appris à reconnaître les émotions des personnes qu’il côtoyait souvent aussi lorsque cette aura de persévérance arriva vers lui, il sut que c’était Winnie, sa Winnie. Un sourire tendre qu’elle ne pouvait pas voir apparut sur son visage à l’instant où elle dit : « Salut. » Il tourna la tête, l’observa un instant de son regard glacé et regarda à nouveau devant soi. « Je ne te dérange pas j’espère. » Il ne répondit pas tout de suite, se leva, épousseta ses vêtements et déclara d’une voix impassible. « Si. Mais c’est toi, alors ça n’a aucune importance » Quiconque ne le connaissant pas aurait certainement fuit ce grenier à la vitesse de la lumière. Il faut dire, qu’il n’était pas franchement accueillant. Il était même carrément froid et les gens craignaient le calme déroutant qui l’habitait autant que son regard qui lisait en vous comme dans un livre ouvert. Le brun esquissa pourtant un demi-sourire moqueur et il ébouriffa les cheveux blonds de la jeune fille avant de se rapprocher à nouveau de la fenêtre. Il s’adossa au mur et planta ses prunelles dans les siennes, activant par la même occasion son don. Il sentait qu’elle n’allait pas bien et bien qu’il ne le montrait pas, il s’inquiétait beaucoup. « Tu me cherchais ? » Fatigue, obsession, tristesse, il ferma un instant les yeux avant de murmurer : « A chaque fois que je te vois, tu es de plus en plus fatiguée Win. » Avait-elle encore passé une nuit agitée ? Il n’était pas du genre à poser des questions trop personnelles sans y avoir été invité, il respectait ce qu’elle ne souhaitait pas lui dire. Pourtant il soupira, se demandant intérieurement s’il ne ferait pas mieux de contrôler les émotions néfastes à sa santé. Bien sûr, il ne le ferait pas, il n’usait pas de ce côté de son pouvoir sur ses proches sauf quand il voulait les apaiser. C’était la seule chose qu’il se permettait.

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Ezekiel s'était levé et il enlevait la poussière de ses vêtements. Il est vrai que le grenier en regorgeait. Winnie, elle attendait patiemment sans faire de bruit même si elle savait qu'avec son pouvoir d'empathie, Ezekiel ressentait sûrement ses émotions et que donc, elle n'était pas tranquille pour lui. C'est alors à ce moment qu'il se décida à répondre à la demoiselle Krasnova : « Si. Mais c’est toi, alors ça n’a aucune importance ». L'accueil était froid certes mais Winnie connaissait Ezekiel aussi elle n'était pas étonnée et encore moins vexée. Depuis deux ans déjà qu'ils se connaissaient, elle avait appris à le connaître, enfin du moins elle connaissait ses habitudes. Il est vrai qu'ils ne savaient pas tout l'un de l'autre mais il faut dire qu'ils avaient tous les deux traversaient pas mal d'épreuves dont ils avaient du mal à parler. Winnie était la première à ne pas tout dire de sa vie à Ezekiel bien qu'elle soit très proche de lui et qu'elle le voyait comme un grand frère. Cependant elle lui avait quand même parlé un peu de sa vie et c'était déjà beaucoup pour elle parce qu'elle n'aimait pas parler d'elle. Jamais elle n'avait aimé cela. On appelait cela être réservée. Winnie voyait plutôt cela comme étant une envie de ne pas souffrir et donc elle se protégeait, mieux on en savait sur elle, mieux elle se portait. Elle se disait qu'Ezekiel était pareil, enfin c'était une hypothèse.

Elle s'éloigna alors pendant quelques minutes de ces réflexions pour revenir à la situation, Ezekiel et elle dans un grenier, celui du manoir de l'école. Du silence, beaucoup de silence mais qu'elle affectionnait. Ezekiel s'avança vers elle avec un demi-sourire moqueur puis il lui ébouriffa les cheveux, geste qu'elle n'aimait pas particulièrement mais c'était Ezekiel alors c'était différent. Elle ne remit d'ailleurs pas ces cheveux en place après qu'il soit retourné à la fenêtre comme elle l'avait dit ce n'était pas important à ses yeux pour l'instant et puis qui s'en souciait dans cette pièce ? Les rats ? Ezekiel ? La multitude d'objets ? Personne. Enfin il se retourna pour la regarder et s'adosser contre le mur. Il la regardait dans les yeux et elle se doutait bien qu'il activait son don et elle ne lui en voulait pas, c'était normal. D'ailleurs, d'un coup elle sentit ses paupières beaucoup plus lourdes que tout à l'heure. Aucun doute elle était fatiguée mais après une nuit agitée pouvait-on attendre le contraire ? Non, définitivement non mais ça irait comme toujours. Vous savez pourquoi ? Parce qu'elle garderait la tête haute et ferait croire à tout le monde que ça allait, que le fait que son père soit en prison pour le meurtre de sa mère ne changeait pas sa vie. De toute façon la plupart des gens s'en contre fichaient. Cependant bien qu'elle pouvait tromper le monde, elle ne pouvait pas tromper Ezekiel, elle le savait mais il respectait toujours son choix de lui parler ou de ne pas le faire. Enfin il l'interpella : « Tu me cherchais ? ». C'était la bonne expression, les bons mots. Elle le cherchait parce que lorsqu'elle était avec lui, elle pensait souvent à autre chose. Après tout, il était comme son grand frère de cœur et le plus important c'est qu'il était là pour elle et ce n'était pas rien, loin de là. Avant qu'elle ne puisse répondre quoique ce soit, il ferma les yeux et ajouta en murmurant : « A chaque fois que je te vois, tu es de plus en plus fatiguée Win. ». Était-ce vrai ? Elle ne s'en rendait pas vraiment compte mais il devait avoir raison. Les nuits agitées se cumulaient alors elle devait bien être plus fatiguée mais ça, ça n'était pas grave. En faite ce problème était l'un des moins importants pour elle. Quand elle ne pourrait plus se réveiller la nuit, elle dormirait. D'accord ce n'était sûrement pas la bonne chose à faire mais elle en avait décidé ainsi. Il ne fallait pas s'en faire, elle ne voulait pas s'en faire. Winnie croisa alors les bras sur sa poitrine histoire que ses bras servent à quelque chose, se n'était en rien un geste qui montrait de la colère ou le fait qu'elle pourrait être vexée, non c'était juste comme ça. Elle inspira un coup et répondit à Ezekiel : « Je vais bien, je t'assure enfin ce n'est pas pire que d'habitude. La fatigue, c'est juste passager. » Elle était une mauvaise menteuse avec Ezekiel mais elle pensait la plupart de ce qu'elle avait dit alors ça n'était pas vraiment un mensonge, si ?

Elle décida alors de s'asseoir devant le piano. Elle ne savait pas en jouer. Elle n'avait jamais développé l'envie particulière de jouer d'un instrument, elle avait toujours plus aimé les livres. Elle adorait lire car personne ne l'embêtait et elle pouvait s'évader dans un petit monde à elle. Il est vrai que cela faisait un peu enfantin mais à chacun ses passe-temps. Elle savait en revanche qu'Ezekiel savait en jouer, lui c'était pour cela qu'il venait souvent ici se disait-elle. Winnie se retourna vers lui et reprit la parole : « Je me suis dit que j'allais rendre visite aux rats mais tu es là c'est beaucoup mieux. » Pause. « Ce n'est pas vraiment drôle, hein ? ». Winnie n'était pas drôle elle le savait et elle le vivait plutôt bien, après tout elle était sérieuse, elle avait toujours été comme ça, ça ne changerait plus maintenant... Enfin elle essayait tout de même de s'améliorait de temps en temps. Elle poursuivit ensuite : « Tu étais venu joué ? ». Le fait qu'elle soit assise devant le piano avait inspiré sa question mais elle était assez curieuse de savoir parce qu'elle était curieuse dans la vie, tout simplement.

Winnie. Ou Frankie. Il ne l’appelait presque jamais comme ça. Tout comme elle ne l’appellait presque jamais Wolfgang. Et c’était ce presque qui faisait la différence. Ce presque qui rendait leur relation unique. Ezekiel était du genre à se jeter sous les roues d’une voiture pour un inconnu alors pour cette fille, il était capable d’aller bien plus loin. Tout ça pourquoi ? Parce que Win’ était la petite sœur qu’il n’avait jamais eu. Il avait du mal à ne pas s’attacher aux gens, c’était d’ailleurs pour cela qu’il était aussi froid et distant pour empêcher les autres d’approcher. Avec elle il faisait un effort, il la laissait venir tout comme elle acceptait également qu’il l’approche. A la fois si différent et pourtant si semblable, leur compréhension mutuelle faisaient qu’ils se supportaient sans aucun problème. Il était et serait toujours là pour elle. La protéger contre les autres et contre elle-même, il lisait plus facilement ses émotions tout comme elle arrivait à voir ce qu’il cachait derrière un masque de froideur indéchiffrable. Ca l’emmerder parfois mais il s’était fait à la situation. Parce que dans tous les cas, il avait un don pour se trouver près d’elle quand elle avait des problèmes et ils se trouvaient toujours quand ils avaient besoin de parler. Aussi il n’était pas étonné qu’elle l’ait trouvé ici. Il n’était pas non plus surpris qu’elle ne batte pas en retraite face à son habituel ton glacial, parce que c’était Winnie tout simplement. Serait-elle partie, il l’aurait surement rattrapé malgré sa solitude légendaire. Au fond, cette fille en savait plus sur lui que les trois quarts des élèves de Magya, tout comme il en savait plus que beaucoup d’autres.

Adossé au mur, il la fixait, incapable de rejeter l’envie d’ouvrir son esprit aux émotions de la jolie blonde. C’était naturel, il le faisait souvent sans y penser parce que contrairement à la plupart des gens, son don ne s’arrêtait jamais et qu’il ne ressentait pas de fatigue à moins de contrôler les émotions, ce qu’il faisait uniquement dans les cas extrêmes comme apaiser les gens. Il avait beau savoir que plus tard il aurait à nouveau mal à la tête, il s’en fichait royalement, cela faisait partie de lui depuis qu’il avait découvert ses pouvoirs. Bien sûr il savait ce que cela impliquait, il savait aussi qu’il risquait de finir comme sa mère et rien qu’à cette pensée il frissonnait, haïssant le don qu’il considérait comme une malédiction. Ressentir les émotions des autres avait généralement un sacré inconvénient pour les autres en question. Parce que lui mentir se révélait bien plus compliqué que prévu, ce qui avait tendance à énerver royalement les gens. Aussi il ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel après qu’elle lui eut répondu : « Je vais bien, je t'assure enfin ce n'est pas pire que d'habitude. La fatigue, c'est juste passager. » Elle ne pouvait pas le berner aussi facilement. Il allait s’approcher histoire de lui faire connaître son avis sur la question mais elle se détourna, s’approchant de l’objet qui tenait le plus à cœur dans cette pièce à Ezekiel. Le piano. Elle s’assit sur le tabouret bien abimé par le temps et il l’observa, impassible. « Je me suis dit que j'allais rendre visite aux rats mais tu es là c'est beaucoup mieux. » Sourire moqueur. « Ce n'est pas vraiment drôle, hein ? » Non ça ne l’était pas. Mais elle progressait ! « Tu étais venu joué ? » Cette question totalement éloignée des précédentes le plongea un instant dans ses pensées. Oui il était venu jouer, mais ce n’était pas le but principal. Il était surtout venu se couper du monde. Le fait qu’elle soit là, gâchait quelque peu son but principal et il avait beau être cassant, il n’était pas assez méchant pour lui dire une chose pareille. Bien sûr, il était ensuite venu ici pour jouer, histoire de ne plus rien entendre, d’avoir enfin un calme parfait dans son crâne. Il hocha donc la tête, allant s’assoir à côté d’elle sur le tabouret. Son regard indéchiffrable parcourut le visage de la deuxième année et soudainement il lui attrapa le menton pour planter ses prunelles dans les siennes. « Mentir à quelqu’un qui ressent tout ce que tu ressens, c’est idiot Frankie. » Puis il la lâcha doucement, avant de poser ses doigts sur le clavier vieux de plusieurs années. « J’étais venu jouer, mais tu sais que quand je joue, je n’écoute plus, alors je peux ne pas jouer. » Un sourire doux se glissa sur son visage, puis disparut bien rapidement comme toujours avec le brun. Ses doigts adorant le contact des touches jouèrent automatiquement quelques notes. Il s’inquiétait pour elle, plus qu’il s’inquiétait pour les autres. Mais il attendait, attendait qu’elle se décide à parler si elle le voulait. Il était en colère parfois. Il l’était généralement quand il l’appelait par son premier prénom. Là encore ce n’était que le fruit de son inquiétude, il sentait son obsession pour ce qu’il devinait être l’affaire de son père. Il ne savait pas comment l’aider, se contentait donc d’être présent. Ezekiel n’était pas le plus doué en relation sociable, il avait beau comprendre les gens mieux que quiconque, il avait du mal à se confier ou à être en confiance. Winnie avait réussi sur ce point-là. Il était en confiance, sinon il n’aurait pas approché le piano et ça il espérait qu’elle le savait. Le piano, la musique, c’était quelque chose de trop personnel pour qu’il l’étale devant des inconnus. D’ailleurs qui savait que le froid Morovitch s’adonnait à la pratique musicale dans cette école ? Peu de gens là encore. Et dans ce peu de gens, il y avait ceux pour qui il acceptait de jouer. La jeune fille faisait partie de ces personnes-là. De ces rares personnes dont il adorait la compagnie. Et avec le brun, c’était un énorme progrès.